Production et collecte de lait pour la fabrication du Beaufort
Dès la fonte des neiges, les vaches vont suivre l’évolution de la pousse de l’herbe afin de satisfaire leurs besoins alimentaires. Tout au long de l’année, l’éleveur va façonner et entretenir le paysage, sauf en hiver, période au cours de laquelle la neige oblige hommes et animaux à rester à l’étable. Les saisons et le relief rythment le travail des éleveurs et la vie des vaches…
La transhumance des animaux pendant l’été
Dès la fonte des neiges et la pousse de l’herbe autour des étables, en général, fin avril-début mai, les vaches piaffent d’impatience (et elles le font savoir) pour sortir et savourer l’herbe fraîche à proximité de leur résidence d’hiver…
Au fil des semaines, la neige va fondre à des altitudes supérieures, l’herbe va la remplacer et les vaches vont prendre de l’altitude pour déguster l’herbe qui aura poussé sur le sol libéré par la neige.
Arrive le mois de juin et l’alpage. Ha l’alpage !
Ce mot magique, synonyme de grands espaces, de paysages montagnards fantastiques, d’herbe à la richesse florale sans équivalent, mais également synonyme de conditions de vie difficiles liées au relief et aux conditions climatiques quand celles-ci ne sont pas clémentes.
Mais peu importent les conditions, les dames “Tarines” et “Abondances”, nos deux races de vaches préférées, vont y séjourner pendant environ 100 jours sur les espaces occupés par les skieurs en hiver.
Elles vont continuer à « monter » jusqu’à 2000 – 2500 m d’altitude toujours au rythme de la pousse de l’herbe et ceci jusqu’à début août. Elles vont alors faire le chemin inverse et espérer que la nature aura bien fait les choses : leur offrir de l’herbe qui aura repoussé pendant leur longue ascension de plusieurs semaines.
Puis vient le mois de septembre où il est temps de quitter l’alpage, de redescendre lentement vers les villages, à proximité des étables pour pouvoir s’y réfugier à l’arrivée des premières neiges et passer tranquillement l’hiver au chaud.
La neige, elle, ne prévient pas quand elle arrive. Elle peut faire son apparition dès le début du mois de novembre, s’installer durablement jusqu’à la fin de l’hiver ou repartir pour revenir plus tard. Ou encore ne pas avoir envie de nous rendre visite avant fin novembre – début décembre !
Pendant l’hiver, les vaches vont attendre patiemment le retour du printemps dans les étables en dégustant le bon foin fauché pendant l’été. A la sortie de l’hiver, un nouveau cycle pourra alors débuter.
Les Groupements Pastoraux ou «Fruits Communs»
Pendant la saison d’alpage, une particularité de la Moyenne Tarentaise (secteur géographique de Moutiers) permet aux éleveurs de répondre plus efficacement aux contraintes de l’agriculture de montagne et de l’AOP Beaufort (nouveau nom de l’AOC garantissant une reconnaissance européenne) : ce sont les Groupements Pastoraux ou «Fruits Communs».
À l’origine, dans chaque village de montagne, les troupeaux du village concerné transhumaient vers l’alpage communal. C’est toujours le cas, même si des troupeaux extérieurs au village les rejoignent.
La réunion de ces troupeaux constitue un gros troupeau et les éleveurs désignent certains d’entre eux qui vont avoir en charge la gestion de l’alpage. C’est l’exploitation en commun de l’alpage ou «Fruit Commun».
Les gérants vont notamment recruter des bergers qui vont conduire le troupeau en lieu et place des éleveurs pendant les «cent jours» d’alpage, assurer les approvisionnements et le maintien en état du matériel nécessaires au bon fonctionnement de l’alpage, les éleveurs devant tout de même assurer à tour de rôle des «corvées» de maintien en état de l’alpage notamment des travaux de débroussaillage.
Aux alentours du 50ème jour d’alpage, la quantité de lait de chaque vache de chaque éleveur est quantifiée. C’est la «pesée», car auparavant on mesurait le poids de lait. D’ailleurs, dans le passé le lait des producteurs de la coopérative de Moûtiers leur était payé au kilogramme et non au litre.
La rémunération de chaque éleveur sera fonction des revenus de l’alpage répartis entre les éleveurs au prorata de la quantité de lait des vaches de chaque éleveur quantifié le jour de la pesée.
Certains producteurs de lait transhument sur des alpages qu’ils exploitent à titre individuel ; mais sur le secteur de la Coopérative Laitière de Moutiers plus de la moitié du lait d’alpage provient des structures collectives que sont les Groupements Pastoraux ou «Fruits Communs».
L’effet bénéfique de ces structures collectives est de libérer de la main-d’œuvre pour la fenaison. Les éleveurs, n’ayant pas la charge de leur troupeau pendant les «100 jours» d’alpage, peuvent consacrer tout leur temps à la fenaison et assurer ainsi les besoins en foin local afin de nourrir leurs animaux pendant le long hiver à l’étable. L’autre effet bénéfique des Groupements Pastoraux, si toutefois «Dame Nature» a bien voulu permettre aux éleveurs de terminer la fenaison suffisamment tôt, est de leur donner la possibilité de prendre quelques jours de vacances bien méritées avant de retrouver leurs animaux à la descente d’alpage.
Le travail des éleveurs, «jardiniers du paysage»
Durant toute l’année, les éleveurs vont adapter leur travail aux déplacements et aux besoins de leurs vaches tout en respectant la santé et le bien-être des animaux.
Cette activité de production laitière est également liée à l’entretien du paysage.
Nourrir les animaux
Pendant leur séjour à l’étable, les animaux sont nourris au foin récolté localement pendant l’été.
A la sortie des vaches au printemps, les éleveurs mettent en place des parcs pour satisfaire les besoins en nourriture des animaux et ne pas gaspiller la ressource en herbe. Ce travail quasi-quotidien va durer jusqu’au retour des animaux à l’étable en automne.
Le savoir-faire de l’éleveur s’exprime par une connaissance parfaite et une maîtrise totale du territoire : une mauvaise gestion de l’herbe peut avoir des conséquences dramatiques sur les animaux, leur production laitière et leur état général.
Traire les vaches
Il n’est pas seulement nécessaire de nourrir les vaches, il faut également les traire.
Pendant l’hiver, elles sont traites à l’intérieur des étables.
Lorsque les animaux sont à proximité immédiate des étables, il est encore possible de les rentrer chaque soir à l’étable pour la traite.
Mais quand la transhumance débute et que les animaux s’éloignent de leur lieu de villégiature hivernal, il est nécessaire de trouver un autre moyen : la machine à traire mobile. C’est une machine à traire alimentée électriquement par groupe électrogène qui va suivre les troupeaux dans leurs déplacements et permettre la traite bi-quotidienne des vaches.
Eté comme hiver la traite du matin débute très tôt : entre 4h00 et 6h00 en fonction de la saison et de la localisation des troupeaux.
Faire les foins
Pendant l’été, il faut penser à garantir la nourriture des animaux pendant l’hiver. C’est le but de la fenaison. Là encore, le savoir-faire du producteur de lait et sa connaissance du terrain vont être primordiaux.
Il convient bien sûr de choisir non seulement le bon jour pour faucher en fonction des conditions climatiques mais également la bonne période : trop tôt, la quantité de foin risque d’être insuffisante, trop tard, le foin risque d’être trop dur et peu appétant pour les animaux.
Le foin est ensuite séché sur place avant d’être rentré dans les granges, certaines d’entre elles étant équipées d’un système de séchage complémentaire.
Si «Dame Nature» est sous de bons auspices, les éleveurs pourront envisager de repasser une seconde fois au même endroit pour une «seconde coupe», que l’on nomme «regain».
Il faut savoir que dans les régions de plaine, compte tenu des conditions climatiques moins rudes, il peut être envisagé de pratiquer 3 à 5 coupes sur une même parcelle.
Entretenir le paysage.
En complément du travail de fenaison, le producteur doit également réaliser d’autres travaux d’entretien du paysage : le débroussaillage qui débute à la suite de la fenaison, y compris sur les surfaces d’alpage et se poursuit à l’automne, l’épandage des fumiers et lisiers, constituant la seule fertilisation, qui, lui, est réalisé essentiellement en automne. L’entretien du foncier nécessaire aux ressources alimentaires des animaux, sa protection et sa conservation, sont primordiaux et constituent un enjeu stratégique pour la pérenité des exploitations agricoles des environs de Moutiers.
Passer l’hiver
Pendant le séjour des animaux à l’étable, les éleveurs surveillent les chaleurs de manière à prévoir les périodes d’insémination. Il y a également les naissances des veaux (vélages) qu’il faut nourrir et élever, certains étant conservés pour le renouvellement des vaches laitières.
Matin et soir, il faut bien sûr traire les vaches.
C’est aussi la période d’entretien et de maintenance du matériel utilisé durant la belle saison.
Certains éleveurs exercent une double activité en station de ski (pisteur-secouriste, moniteur de ski…), celle-ci pouvant s’exercer à temps partiel ou se terminer avant la fin de la saison pour libérer du temps pour l’activité de producteur de lait.
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Collecte de lait pour la fabrication du Beaufort
Les ramasseurs collectent le lait tous les jours et le ramènent sans attente à la Coopérative y compris les dimanches et jours fériés dans un rayon de 30 kilomètres autour de Moûtiers.
Les ramasseurs de lait partent tôt le matin pour arriver dans les exploitations dès la fin de la traite…
En hiver, le lait est ramassé dans les villages de montagne entourant Moûtiers, en été, le ramassage se fait en alpage. C’est 500 kilomètres parcourus chaque jour pour ramasser en hiver jusqu’à 1500 m et 2300 m en été.
Deux types de lait sont ramassés : le lait refroidi de la traite de la veille au soir et le lait encore tiède (non refroidi) de la traite du matin, les 2 traites n’étant mélangées qu’en fin de ramassage à l’arrivée à la Coopérative.
Les ramasseurs de lait doivent assurer la collecte tous les jours quelles que soient les conditions routières et climatiques parfois difficiles (neige, brouillard, boue, voies non goudronnées, sinueuses et pentues….). Leur savoir-faire est d’allier en permanence prudence et rapidité : un temps court entre la traite et l’arrivée à la Coopérative étant un gage de qualité du lait.
Mais quand les conditions sont favorables, les difficultés sont compensées par la beauté du paysage : Quoi de plus beau qu’un lever de soleil en montagne ?
À son arrivée à la Coopérative, le lait est immédiatement versé dans les cuves de fabrication pour y être transformé en Beaufort, l’arrivée du lait rythmant l’organisation du travail des fromagers et des aide-fromagers.